"L'homme doit assumer sa responsabilité quant aux liens - tantôt visibles, tantôt invisibles - dont l'ensemble confère un sens à la vie." Aminata Traoré . Le viol de l'imaginaire. Fayard, 2002.

Hier, samedi 30 janvier 2009, face au silence obstiné de nos interlocuteurs, nous avons décidé d'imprimer quelques exemplaires de la lettre que nous avions transmis à la municipalité de Montbrison, et d'aller à la rencontre des montbrisonnais, en leur expliquant notre démarche et notre volonté de faire disparaître cette affiche. Ce plein feu a été payant. Les rencontres furent surprenantes, les échanges riches d'enseignements, et au détour d'une rue, le président du comité des fêtes nous interpella :

" C'est bien vous qui distribuez ce tract ? "

Enfin, un début de dialogue. " Oui, c'est bien nous. Allons boire un verre et discutons-en, si vous le voulez bien".Nous nous retrouvons bientôt dans le bureau du comité des fêtes. Sur le bureau, un paquet d'affiches, plusieurs centaines de prospectus. L'image a été recadrée, la caricature dénoncée a disparu. " Victoire ! ". Oui, non, peut-être... Le mal est fait, l'affiche n'a que trop circulé et demeure sur bien des murs, les tickets imprimés ne sont pas corrigés. Et surtout le nombre de nouvelles affiches couvrira-t-il le tirage précédent ? Certainement pas...

Le président nous explique son incompréhension, son abattement face à une telle levée de boucliers. Lui qui depuis des années fait de l'évènementiel autour de la culture africaine, se bat contre toutes sortes de racisme, lui qui ne revendique qu'une forme de racisme, " le racisme anti-cons ". Le président nous explique qu'il a exécuté ce nouveau tirage parce que Madame le Maire l'a appelé personnellement pour le lui demander. Merci Madame Faure de votre intervention, elle vous fait honneur.

Face à la "polémique" que nous avons déclenchée dans toute la Loire, ( mais cela aurait pu se passer dans bien des coins de l'hexagone ), où dixit, notre " nom est désormais connu ", nous comprenons que comme me le disait un ami dans ce domaine du racisme ordinaire il y a beaucoup à faire, car nous nous confrontons à l'ignorance plus qu'à la haine ou à la bêtise. Lors de nos échanges, c'est bien l'incompréhension qui a dominé : " ... après tout il ne s'agit que d'une affiche, et elle est très bien cette affiche, ça change... ".

Du racisme anti-cons... (sic). Monsieur le président a raison, c'est là certainement le seul combat à mener, mais nous le savons tous comme disait Coluche, à moins que ce ne soit Desproges : " Si tous les cons étaient en l'air, le ciel en serait noir ".

Que dire alors, quand, à l'ignorance, à l'incompréhension, se mêlent les jeux de pouvoirs, de réseaux, d'influences, inhérents à tous débats publics ? Que deviennent les valeurs fondatrices de notre République ? Nous, simples citoyens, forts des enseignements de ceux qui ont bâtis cette République, nous ne pouvons ignorer les leçons de l'histoire, ni omettre que le combat doit s'abreuver aux cours de la réflexion de nos pairs au risque de tomber dans l'obscurantisme et de se noyer dans le flux incessant de ces images destinées à " des minutes de cerveaux disponibles ". Merci Madame le Maire de votre intervention.

Finalement, nous conseillons à Monsieur le président de se former à la lecture de l'image et de la communication. Il nous annonce que pour la deuxième nuit du reggae, le comité lancera un concours d'affiches, et nous propose de participer au jury, nous refusons aimablement : "Nous ne voulons pas être assimilés à des censeurs".

Au cours de nos différents échanges, nous avons été interpellé sur le fait que notre prise de position était proche de celle des nazis, référence fût faite aux oeuvres des cubistes et des expressionnistes allemands...

"Auriez-vous peur d’une évocation trop claire ici du rasta des origines, avec ses dreads (coiffure bariolée du personnage), son ganja (couleurs vives et psychédéliques, tourbillon noir), revendiquant sa marginalité, l’originalité et l’authenticité de sa culture (musicale, entre autres). La figure inquiétante d’un homme-cheval hennissant et pulsionnel rappelle les racines lointaines du peuple jamaïcain, plongeant dans l’art du masque africain qui a inspiré Cubistes et Expressionnistes (mais on peut ne pas aimer : un certain Adolf a qualifié cet art de "dégénéré")."

Il est vraiment temps de donner des cours d'histoire de l'art à nos enfants, et de rattrapage à certains parents. Et surtout de rappeler que le Rastaman, "the original man", est absent de notre belle région, que "son ganja" n'est pas récréatif et encore moins "psychédélique", mais stimulant dans la prière. Quant à l'influence de l'art " primitif " sur l'art de l'ensemble du XXème siècle et jusqu'à aujourd'hui, il s'agit là d'un sujet ténu que vraiment, mais vraiment, trois mots de je ne sais qui, ne suffiront pas à ouvrir la première phrase d'une préface sur le sujet. Debord, encore : "Cette paresse du spectateur est aussi celle de n'importe quel cadre intellectuel, du spécialiste vite formé, qui essaiera dans tous les cas de cacher les étroites limites de ses connaissances par la répétition dogmatique de quelques argument d'autorité illogique."

L'Art est le ciment de nos sociétés. L'Art est multiple, se nourrit de diversité. L'Art vit, l'Art Vie. Cette "polémique" est à revisiter sous cet angle, de l'expérience du vivant, ce que certains étiquetteraient d'art contextuel, ou encore d'esthétique relationnelle... Notre héritage culturel a nourrit notre réflexion, des mots ont précédé notre action, l'oeuvre s'est définit dans un système global sensible, dénué d'intérêt matériel. Ce que d'autres recherchent dans l'art comme étant la sensation du beau se révèle ici dans l'action d'une communauté de femmes et d'hommes pensants, réfléchis, lucides, parvenant à transformer un support graphique sans fond et faisant insulte à l'intelligence de notre humanité. Quoi qu'il en soit, l'Art est définitivement militant !

STAND UP !

Debord encore : " L'emploi d'un peu de logique historique permettrait de conclure assez vite qu'il n'y a rien de contradictoire à considérer que des gens qui manque de tout sens historique peuvent également être manipulés "

Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle (1988), Gallimard, 1992, Folio (3,50 euros...)

RACISME ORDINAIRE EN MONTBRISONNAIS 2.

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